- SOUS-MARINE (GÉOLOGIE)
- SOUS-MARINE (GÉOLOGIE)La description du monde minéral et la reconstitution historique des phénomènes géologiques restèrent longtemps essentiellement limitées aux continents [cf. GÉOLOGIE]. C’est seulement depuis le milieu du XXe siècle que l’étude géologique des régions immergées, qui occupent 72 p. 100 de la surface du globe, a connu un développement vraiment spectaculaire. Certes, le Challenger , lors de sa fameuse expédition de 1872 à 1876, avait ramené de nombreuses informations, mais elles étaient ponctuelles, car on ignorait à l’époque les techniques d’observation continue le long d’un profil. En outre, leur densité était faible par rapport à la superficie totale des océans (environ 360 millions de kilomètres carrés). Par la suite, les connaissances s’accrurent notablement, surtout en ce qui concerne la morphologie et la description des sédiments marins (croisière du Meteor en 1924, par exemple); mais ce n’est guère qu’après la Seconde Guerre mondiale que, la technique géophysique faisant de rapides progrès, on a pu disposer de données objectives permettant de décrire la lithosphère sous l’océan et, partant, d’améliorer grandement les théories de l’évolution de la Terre.Chacun des progrès de la géologie des régions immergées peut être relié à la naissance d’une technologie nouvelle, cette dernière apportant un surcroît de connaissances qui vient alimenter la réflexion des géologues et des physiciens du globe. Ce n’est qu’à la fin des années 1960 que le forage en eau profonde fut mis au point; son apport est devenu capital. La géophysique, en raison de sa facilité de mise en œuvre en mer, est plus économique qu’à terre et constitue l’outil de choix du géologue marin. Il faut signaler également l’importance d’une localisation précise des navires sur les océans, rendue possible par diverses méthodes (radionavigation, satellites); elle est nécessaire pour que les résultats obtenus par les techniques d’investigation des fonds marins prennent toute leur valeur.On considère comme étant du domaine de la géologie sous-marine l’étude des côtes et des lignes de rivage, dans la mesure où elles sont liées à la mer et à ses processus, ainsi que celles du plateau continental (plate-forme plus ou moins large qui borde la majeure partie des côtes), de la pente continentale et du glacis, qui relient le plateau aux grands fonds, et des zones océaniques profondes. Elle prend en considération la topographie des fonds marins, la nature des sédiments ainsi que les données géophysiques qui fournissent des indications sur la structure géologique.1. Morphologie des océansLa connaissance de la distribution et des dimensions des traits topographiques sous-marins est de première importance pour le géologue marin. Elle traduit en effet souvent la structure géologique et peut mettre en évidence des phénomènes liés à la technique ou aux processus de sédimentation et d’érosion. La bathymétrie constitue donc le stade préalable à toute étude de géologie marine avant l’intervention des méthodes géophysiques ou des prélèvements.Depuis longtemps, les navigateurs, en utilisant les plombs de sonde, avaient observé qu’en s’éloignant des côtes les fonds croissaient, en général d’abord très lentement, puis brusquement, à partir de 150 à 200 m de profondeur. Le marquis de Marsilli fut, à la fin du XVIIIe siècle, le premier à vulgariser cette notion. Les nombreux levés effectués à la fin du XIXe siècle pour la navigation par les services hydrographiques des différentes nations permirent de généraliser la notion de plateau continental , situé entre 0 et 200 m de profondeur environ et limité vers le large par la pente continentale . Dès cette époque, on avait découvert l’existence des profondes gorges sous-marines qui accidentent la pente continentale: les canyons sous-marins.Vers 1920, grâce aux méthodes de sondage continu, débuta l’exploration systématique des océans. L’ingénieur hydrographe P. Marti fit dès cette époque un levé de la pente continentale du golfe du Lion par réflexion du son. Mais c’est l’utilisation des ultrasons qui constitua le progrès décisif et permit d’établir durant les vingt années suivantes les principaux traits morphologiques des océans.Durant et après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux progrès rendirent cette fois possible l’établissement d’une cartographie précise des grands fonds océaniques. On doit citer en particulier les levés du Lamont-Doherty Geological Observatory (cartes de B. C. Heezen et M. Tharp) et de la Scripps Institution of Oceanography (cartes de H. W. Menard).Les différents traits morphologiques sous-marins mis en évidence sont décrits en détail dans les articles CANYONS SOUS-MARINS, CÔTES (GÉOMORPHOLOGIE), DELTAS, DORSALES OCÉANIQUES, FOSSES OCÉANIQUES, MARGES CONTINENTALES, OCÉANS ET MERS, PLAINES ET COLLINES ABYSSALES, RÉCIFS; on soulignera toutefois l’existence des trois éléments majeurs que sont les marges continentales, les bassins océaniques et les dorsales (médio-)océaniques (fig. 1).Les marges continentales , qui correspondent à la zone de transition entre les continents et les bassins océaniques, se développent sur près de 300 000 km de longueur. Cette transition se fait de manière variée, en liaison avec la surface géologique profonde ou les processus de sédimentation, et se traduit différemment dans la topographie. On peut en distinguer toutefois trois types principaux (fig. 2): les marges avec la succession plateau-pente-glacis-plaine abyssale, particulièrement représentées dans l’océan Atlantique et l’océan Indien; les marges avec la succession plateau-pente-fosse-bassin océanique (Pacifique oriental); enfin, les marges avec la succession plateau-bassin marginal-arc insulaire-fosse-bassin océanique, bien représentées dans l’ouest du Pacifique. Ce dernier type de marge permet de mentionner l’existence de mers intérieures ou marginales , où les fonds sont compris entre 1 000 et 3 000 m, telles la mer Méditerranée et certaines zones comprises entre les arcs insulaires du Pacifique et les continents voisins (mer d’Okhotsk, mer du Japon, par exemple; cf. ARCS INSULAIRES, MERS MARGINALES).Le système des dorsales océaniques est continu sur plus de 60 000 km, sa largeur peut atteindre 2 000 km et son élévation 3 500 m au-dessus des plaines abyssales. Il a été suivi dans l’ensemble de l’océan mondial. Outre l’existence fréquente d’un «rift» médian profond de 1 500 à 2 000 m, sa principale caractéristique est qu’il tend à diviser en deux parties égales la surface des océans, sauf toutefois dans le Pacifique (cf. océan PACIFIQUE).Les bassins océaniques , situés en général entre les dorsales océaniques et les marges continentales, à des profondeurs de 4 000 à 5 000 m, représentent à eux seuls près de la moitié de la surface de la Terre.À une échelle différente, la morphologie des bassins océaniques apparaît très variée. On y observe, d’une part, les régions les plus planes du globe, les plaines abyssales, d’autre part, un très grand nombre de montagnes sous-marines de toutes tailles d’origine volcanique. Quand ces montagnes atteignent le niveau de la mer, des constructions récifales s’y développent fréquemment; par la suite, à cause de la subsidence du plancher océanique, il y a formation des atolls, puis des guyots, dont le sommet tronqué peut se trouver actuellement à près de 2 500 m de profondeur.2. Structure des océansApports de la gravimétrieDès 1923, le géodésien et géophysicien néerlandais F. A. Vening-Meinesz commençait une série de mesures de la pesanteur en mer. Il travaillait en sous-marin, de façon que la houle ne perturbe pas les mesures, et utilisait un appareillage spécial. Son résultat principal résidait dans la constatation que, comme à terre, le relief a un effet gravimétrique très inférieur à ce que l’on pourrait attendre. Il y a donc quelque part un mécanisme compensateur du relief pour ce qui concerne la pesanteur. La notion de l’équilibre isostatique de la croûte terrestre, considérée comme flottant sur le matériau plus dense du manteau, est maintenant admise. On en tire alors nécessairement la conclusion générale que, si le matériau du manteau est le même sous les océans et sous les continents, la croûte sous les océans est plus mince et plus dense que la croûte continentale. Elle a une épaisseur comprise entre 6 et 7 km sous le fond si celui-ci se trouve à une profondeur de 5 km sous la surface. Il y a donc un type caractéristique de croûte que l’on peut dire océanique et que l’on trouve sous la plaine abyssale au-delà des marges continentales.Il faut cependant remarquer que, sous les grandes fosses qui bordent les guirlandes d’îles, on observe un déficit de masse, ce qui traduit un déséquilibre. Vening-Meinesz a interprété ce fait comme indiquant que, sous les fosses, une croûte légère s’enfonçait dans le matériau dense du manteau. Une controverse s’ensuivit à propos du mécanisme qui permettait une telle disposition structurale.La théorie de la tectonique globale par déplacement de plaques rigides admet que la croûte océanique s’enfonce effectivement sous les arcs insulaires [cf. SUBDUCTION]. Cela permet d’expliquer la répartition et la nature des séismes profonds que l’on observe dans ces régions. On trouve souvent des anomalies négatives de la pesanteur dans la plaine abyssale qui se situe en bordure des marges continentales. Les dorsales océaniques, elles, sont sensiblement en équilibre isostatique.Apports de la sismologieLa sismologie, appliquée assez tôt à l’étude des régions océaniques, a fourni des renseignements intéressants. Dès 1924, B. Gutenberg, étudiant la dispersion des ondes de surface, en déduisait que la croûte océanique devait être d’une épaisseur très inférieure à celle de la croûte continentale, opinion recoupée, comme on l’a vu, par les résultats des travaux gravimétriques.D’une part, on a rapidement remarqué que les épicentres des tremblements de terre se produisant dans les zones immergées se répartissaient soit en bordure et à l’intérieur des arcs insulaires, soit le long de certaines marges continentales (Andes), soit enfin sur de longues lignes situées souvent assez loin des côtes, voire en plein milieu des océans (cas des océans Atlantique et Indien). Les progrès de la bathymétrie aidant, on a reconnu que ces lignes dessinent avec une fidélité remarquable l’axe des dorsales et des zones de fracture qui leur sont associées. Quelle que soit l’interprétation qui en est faite, il résulte clairement de cette concentration des épicentres dans certaines zones que celles-ci sont le siège d’une activité tectonique importante. Cette constation a été, avec la découverte des anomalies magnétiques parallèles aux dorsales, à l’origine de la théorie de l’expansion des fonds océaniques et de son développement, la tectonique des plaques. À l’origine, cette théorie fut, en grande partie, fondée sur la géographie sismique: les séismes des dorsales, généralement peu profonds, délimitent les plaques et trahissent la formation de croûte; ceux des failles transformantes, perpendiculaires aux dorsales, renseignent sur la cinématique relative des plaques; enfin, les séismes profonds associés aux fosses océaniques dénoncent les régions profondes où la croûte finit sa carrière. On doit remarquer à ce propos l’intérêt théorique de la notion de faille transformante, qui a été dégagée par J. T. Wilson en 1965 (cf. DÉRIVE DES CONTINENTS, fig. 8).Apports de la géothermieCe n’est qu’à partir de 1952 que E. C. Bullard et ses collaborateurs ont commencé à mesurer le flux de chaleur à travers le fond de la mer. La conclusion la plus importante, et aussi la plus surprenante, de ces études a été qu’en moyenne il n’y a pas de différence marquée entre continents et océans en ce qui concerne le flux de chaleur moyen. Toutefois, le flux moyen à travers les dorsales est élevé, ce qui va dans le sens des théories qui font jouer un grand rôle à la convection dans le manteau supérieur. Le flux est élevé aussi dans certains bassins situés à l’intérieur des arcs insulaires.Apports du géomagnétismeDes mesures détaillées de l’intensité du champ magnétique terrestre, permettant l’établissement de cartes d’anomalies en mer, ont d’abord été réalisées (B. C. Heezen et al., 1953) à l’aide des sondes à saturation inventées pour la chasse aux sous-marins de la Seconde Guerre mondiale. Puis l’invention des magnétomètres à protons (1954) a rendu la mesure en mer tout à fait facile et a permis de multiplier les études géomagnétiques sur les océans.Les résultats n’ont pas laissé d’être tout de suite extrêmement suggestifs. C’est à R. G. Mason seul, en 1958, puis en collaboration avec A. D. Raff en 1961 que l’on doit la découverte, au voisinage de la côte occidentale des États-Unis, d’anomalies importantes tout à fait remarquables par leur régularité. Ces dernières se présentent sous la forme d’un système de bandes allongées et parallèles à l’axe des dorsales et montrent souvent une symétrie frappante par rapport à cet axe. Elles sont affectées de «décrochements» correspondant à des zones de fracture (failles transformantes) sensiblement perpendiculaires aux axes des dorsales.C’est entre 1961 et 1963 que l’étude de ces anomalies a permis la maturation de l’idée d’expansion des fonds océaniques. Originellement due à H. H. Hess et à R. S. Dietz, qui l’avaient déduite de l’étude des dorsales, elle fut confortée par les travaux de F. J. Vine et D. H. Matthews. Ceux-ci suggérèrent en effet que les anomalies magnétiques parallèles aux dorsales étaient le résultat de l’aimantation, dans un champ géomagnétique soumis à des inversions, du matériau nouvellement créé au centre de la dorsale et entraîné de part et d’autre par le mouvement d’expansion du fond de l’océan (cf. TECTONIQUE DES PLAQUES, fig. 5). Par ailleurs, ils eurent l’idée de relier la succession des inversions observées à celle que l’étude paléomagnétique des roches volcaniques continentales avait permis de mettre en évidence. On put dès lors établir une chronologie qui remonte maintenant jusqu’au début du Mésozoïque (fig. 3).Ainsi des mesures purement géophysiques ont-elles donné une vigueur toute nouvelle aux idées anciennes de dérive des continents en permettant d’en proposer un mécanisme plausible et d’en retracer l’histoire.Apports des méthodes sismiquesL’étude détaillée de l’ensemble de la croûte océanique a été rendue possible par l’adaptation à la mer des méthodes sismiques de prospection, dont l’emploi avait commencé à terre. C’est à M. Ewing que revient le mérite d’avoir employé la méthode de sismique-réfraction dans les océans (1937). Il vérifia aussitôt que la croûte est beaucoup plus mince sous les zones océaniques profondes qu’elle ne l’est sous les continents, ce qui confirmait l’idée qu’il existe un domaine océanique différent d’un domaine continental. On dut également constater que la croûte des régions profondes, autres que les dorsales, les grandes fosses et les marges continentales, présente partout le même caractère: sous une couche de sédiments meubles, dont l’épaisseur peut aller jusqu’à un kilomètre, on trouve des roches en grande partie magmatiques, responsables des grandes anomalies magnétiques des plaines abyssales et dont l’épaisseur peut atteindre quelques kilomètres, puis une couche très uniforme de 3 à 5 km d’épaisseur. Sous cette troisième unité se trouve un matériau dans lequel la vitesse de propagation des ondes sismiques atteint environ 8 km/s, qui existe aussi sous les continents mais à des profondeurs très nettement supérieures et que l’on attribue au manteau supérieur. Nulle part, dans ces régions profondes, on ne connaît d’indication permettant de croire à la présence de granite, à l’opposé de ce que l’on observe sous les continents, ce qui renforce encore l’originalité du domaine océanique [cf. PÉTROLOGIE].À l’aide de la sismique-réflexion , dont la première utilisation systématique en profils continus, mais sous une forme rudimentaire, par J. Ewing et G. B. Tirey (1961) a été suivie, à partir de 1965, de travaux conduits selon les méthodes des prospecteurs pétroliers, on a obtenu des résultats détaillés dans les couches sédimentaires.Selon les sources sismiques utilisées, on a pu soit décrire avec une très grande finesse les structures superficielles (fig. 4), soit au contraire rechercher la pénétration maximale pour étudier la structure des plateaux continentaux et des puissants bassins sédimentaires, pouvant atteindre 10 000 m (fig. 5), qui se développent le long de certaines marges continentales restées stables depuis de longues périodes.3. Nature et âge des formations géologiques sous-marinesL’exploration des formations géologiques sous-marines a débuté vers 1900 et s’est accélérée après la Seconde Guerre mondiale grâce aux travaux systématiques entrepris par les grands instituts océanographiques et aux progrès des techniques de prélèvement et d’observation.Les techniques de prélèvement et d’observationOn peut distinguer trois types principaux de techniques de prélèvement en fonction de leur profondeur d’investigation sous le fond de la mer (fig. 6):– Les prélèvements superficiels sont pratiqués par des bennes et des dragues, qui permettent d’obtenir des échantillons de roches dures, et par des pièges à sédiments.– Les carottages à faible pénétration sont effectués à l’aide de carottiers fonctionnant soit uniquement par gravité, c’est-à-dire chute libre déclenchée à une distance convenable du fond, soit par gravité et piston activé lors de l’impact; on utilise aussi des vibrocarottiers. On obtient ainsi des carottes de plus de 50 m dans les sédiments non consolidés, quelle que soit la profondeur (fig. 7). Grâce à cette méthode, il est possible de développer les études de sédimentologie, de stratigraphie, de paléomagnétisme et de géochimie concernant la tranche supérieure des sédiments marins, c’est-à-dire essentiellement le Quaternaire. Elle permet aussi d’obtenir, sous une faible couverture de vases, des échantillons d’horizons géologiques beaucoup plus anciens dont la présence est indiquée par la sismique-réflexion.– Les forages profonds permettent d’atteindre des profondeurs de 6 000 m sous la surface de la mer. Ils étaient utilisés depuis longtemps par les prospecteurs de pétrole, mais uniquement sur le plateau continental. C’est le Projet de forage en mer profonde (Deep Sea Drilling Project), établi en 1964 par les instituts océanographiques américains (J.O.I.D.E.S., ou Joint Oceanographic Institutions Deep Earth Sampling), qui fit faire un véritable pas de géant dans la connaissance des formations sous-marines. L’objectif premier du projet était la détermination de l’âge et du processus de développement des bassins océaniques. Ce projet fut ensuite rebaptisé I.P.O.D. (International Phase of Oceanic Drilling) puis suivi du programme O.D.P. (Ocean Drilling Program). Des carottes ont pu ainsi être prélevées jusqu’à 1 500 m sous le fond de la mer, dans les marges continentales, et jusqu’à 1 725 m dans le plancher océanique, sous une tranche d’eau de 3 460 m (site O.D.P. 504B, dans le Pacifique oriental). Les renseignements obtenus couvrent tous les domaines touchant à l’étude des formations géologiques sous-marines (sédimentologie et pétrologie, stratigraphie, par exemple); mais surtout ils ont mis à l’épreuve les théories sur l’expansion des fonds océaniques, lesquelles étaient appuyées jusque-là essentiellement sur des données géophysiques (fig. 8).Quant aux techniques d’observation du fond de la mer, l’apport de la photographie sous-marine, initialement développée par M. Ewing (1946), a été important. Elle permit d’étudier à toute profondeur des objets dont la taille peut aller du centimètre au décamètre: traces et pistes d’organismes (activité biologique), figures sédimentaires (existence de courants), affleurements rocheux, répartition des nodules de manganèse, etc. Elle a été complétée par la télévision, à bord d’engins inhabités téléguidés, et par l’observation directe, grâce aux nouvelles possibilités de pénétration de l’homme sous la mer, depuis le scaphandre autonome (Cousteau-Gagnan) jusqu’aux submersibles: Cyana (France, 3 000 m), Alvin (États-Unis, 3 000 m), Nautile (France, 6 000 m), Shinkai 6,5 K (Japon, 6 500 m), etc.Les résultatsTous les prélèvements effectués montrent qu’en dehors des formations sédimentaires on ne trouve que des formations d’origine volcanique, essentiellement des basaltes dont la composition est typique des océans [cf. ANDÉSITES ET BASALTES], ou des équivalents altérés ou métamorphisés en profondeur et ramenés en surface par le jeu de failles.Zones côtières et marges continentalesParmi les résultats marquants obtenus, il faut tout d’abord souligner ceux qui concernent les sédiments récents des zones côtières et des plateaux continentaux, car ils ont de nombreuses applications. L’étude des types de côtes et des processus de sédimentation le long des rivages a des implications directes sur l’activité humaine: création de ports, de jetées, protection des plages, par exemple. Par ailleurs, les géologues ont cherché dans l’étude de la sédimentation dans ces régions peu profondes des modèles ou des clés pour interpréter les formations anciennes sur les continents. C’est particulièrement le cas en géologie pétrolière, pour comprendre la répartition des dépôts (sables, etc.) constituant les réservoirs de gisements, qui se sont formés en général dans des mers épicontinentales. Des recherches très complètes ont ainsi été effectuées sur les grands deltas (Mississippi, Niger, Orénoque, Rhône), sur des régions à sédimentation carbonatée (Bahamas, golfe Persique, Grande Barrière australienne). Une autre application porte sur l’exploration des sables et graviers ou des placers minéraux (étain, minéraux lourds, diamants, par exemple), dont la distribution est surtout contrôlée par le déplacement des lignes de rivage durant le Quaternaire. On a en effet montré que l’origine de la morphologie actuelle des plateaux continentaux est due pour l’essentiel aux abaissements du niveau de la mer durant le Quaternaire en relation avec les grandes glaciations (cf. EUSTATISME, ère QUATERNAIRE). L’abaissement maximal est estimé à 120180 m, valeur qui correspond à la profondeur moyenne de la pente continentale. D’une manière générale, il apparaît que la distribution des sédiments est irrégulière et a peu de relations avec la profondeur d’eau ou la distance au rivage, à la différence de ce que l’on pensait autrefois.Zones profondesC’est dans le domaine de la sédimentation des zones profondes que les résultats les plus nouveaux ont été acquis.Contrairement aux idées anciennes liées au concept de la permanence des océans, on a mis en évidence une forte variabilité de la distribution des sédiments et l’influence de trois facteurs principaux:– La productivité des océans en organismes planctoniques , qui forment une grande partie des dépôts pélagiques, est liée à l’ensoleillement et à la circulation des eaux océaniques. On explique maintenant ainsi la distribution des différents types de sédiments pélagiques décrits depuis fort longtemps: boues siliceuses à diatomées et radiolaires dans les zones polaires et dans la zone de divergence équatoriale; boues calcaires à globigérines, ptéropodes, coccolithes dans les zones équatoriales; «boues rouges», formées de fines particules argileuses d’origine continentale et des résidus insolubles provenant des organismes planctoniques, là où les fonds dépassent 4 000 m et où la température des eaux descend au-dessous de 2,5 0C. De plus, grâce aux carottages, on parvient à reconstituer les variations de productivité durant l’histoire géologique ou, même, en considérant le passage vertical de boues calcaires à des boues rouges comme dû à une variation de la zone de compensation des carbonates, il est possible de mettre en évidence des variations de la profondeur du substratum océanique (cf. SUBSIDENCE – Géologie) ou de la température des eaux profondes aux époques passées [cf. PALÉOCLIMATOLOGIE].– Les apports terrigènes des continents constituent la source majeure des sédiments profonds, surtout le long des marges continentales. On a identifié les processus physiques qui contrôlent leur dépôt: les fameux «courants de turbidité» (cf. courants de TURBIDITÉ ET GLISSEMENTS SOUS-AQUATIQUES), capables de transporter par les canyons sous-marins des éléments de la taille du gravier (turbidites); les glissements en masse (slumping ), qui peuvent affecter d’énormes volumes de sédiments déposés sur les pentes (400 m d’épaisseur, 100 km de long sur la marge de Terre-Neuve en 1929); enfin, les courants de fond ou «de contour», qui jouent un rôle longtemps insoupçonné: atteignant de 5 à 50 cm/s, ils sont responsables de la formation de structures sédimentaires de toutes tailles, depuis les ripplemarks jusqu’aux dunes ou rides sédimentaires de dimension kilométrique.– Le processus de formation des fonds océaniques par expansion à partir des dorsales océaniques implique que ceux-ci soient de plus en plus anciens en s’éloignant des rides; en conséquence, les accumulations sédimentaires doivent être de plus en plus anciennes et importantes pour atteindre leur maximum en bordure des continents. Tous les forages profonds ont bien vérifié cette hypothèse. Par ailleurs, grâce à la sismique-réflexion, on a observé l’épaississement des sédiments vers les marges continentales (fig. 9), ce qui est, certes, lié à la proximité du continent (facteur précédent) mais aussi à l’apparition progressive de formations de plus en plus anciennes. Cela, toutefois, n’est valable actuellement que pour les marges continentales qui sont restées stables depuis leur formation par rupture et dérive des blocs continentaux (cas de l’océan Indien et de l’océan Atlantique). En revanche, près des marges tectoniquement actives (Pacifique surtout), où le substratum océanique s’enfonce progressivement au niveau des fosses, il n’y a pas en général de telles accumulations. La faible couverture sédimentaire s’y plisse au fur et à mesure pour former l’épais bourrelet dans lequel elle est mêlée aux produits du volcanisme.La reconstitution de la dérive des continents au cours de l’histoire géologique a conduit à admettre que les chaînes de montagnes sont liées à un tel processus, particulièrement violent quand il a abouti à la collision de blocs continentaux (fig. 8). Le réexamen, sur le plan sédimentologique, des formations sédimentaires des chaînes de montagnes à la lumière des données de la géologie marine a conduit à une sérieuse révision des reconstitutions paléogéographiques [cf. PALÉOGÉOGRAPHIE].Ainsi, en quelques dizaines d’années, grâce aux progrès de la technologie, la description du domaine sous-marin, qui représente les trois quarts de la surface du globe, a donné à la géologie sa véritable dimension. Mais l’apport capital de la géologie sous-marine est sans contexte la confirmation de la théorie wégenérienne de la dérive des continents. Un mécanisme et une chronologie ont été formulés, fondés sur l’expansion des fonds océaniques à partir des dorsales océaniques et sur la disparition des parties anciennes de substratum océanique au niveau des fosses et formation des chaînes de montagnes. On a ainsi abouti à la notion de tectonique globale , au cours de l’histoire géologique, d’un certain nombre de plaques de la lithosphère (fig. 8).Plus modestement, la géologie sous-marine a apporté les éléments nécessaires pour l’interprétation sédimentologique et a conduit à un rajeunissement complet de la stratigraphie.Ses applications pratiques sont très importantes en ce qui concerne les zones côtières et l’exploitation du pétrole. Dans ce dernier cas, l’exploration des régions profondes (au-delà du plateau continental) est entrée dans une phase active. Quant aux autres ressources minérales – placers des plateaux continentaux, nodules de manganèse, saumures riches en métaux, entre autres –, leur exploitation est encore hypothétique, car elle est fortement liée à des considérations économiques.Quels que soient les résultats spectaculaires acquis et l’apparente uniformité du domaine océanique, nos connaissances sont encore faibles par rapport à l’énorme somme d’observations acquises sur les continents. Si les progrès sont très rapides en ce qui concerne la couverture sédimentaire, le substratum reste mal connu. En outre, la topographie des grands fonds est moins bien connue que celle de la Lune.
Encyclopédie Universelle. 2012.